A l’approche du premier anniversaire du lancement de ce site d’information, dédié à la démarche #EntreprisesEngagées64, nous avons rencontré Michel Gouriou, directeur de cabinet du préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Depuis le début de l’année 2018, le nombre d’accidents mortels sur le département est en baisse. Quelle est votre analyse de cette tendance ? Quel message voulez-vous donner aux automobilistes ?
Michel Gouriou – Après une année très meurtrière en 2017 avec 41 tués, la tendance de ce début d’année 2018 est relativement favorable, malgré le récent décès d’une jeune fille le 21 avril à Anglet, renversée par un bus.
Depuis le 1er janvier 2018, 6 personnes ont perdu la vie sur la route (contre 18 à la même période en 2017). Le nombre d’accidents de blessés et de blessés hospitalisés est également en diminution en comparaison avec 2017. Même s’il faut rester prudents, les bons résultats des 4 premiers mois de l’année sont à mettre en parallèle avec les efforts des services dans la lutte contre l’insécurité routière ; l’engagement des entreprises, des bénévoles, des associations et du secteur éducatif joue aussi un rôle prépondérant.
Les usagers de la route doivent comprendre que la sécurité routière est l’affaire de tous, et que seule une prise de conscience collective pourra amener à un changement des comportements. C’est pour cette raison que les comportements à risque ou non réglementaires seront systématiquement sanctionnés.
La limitation de la vitesse à 80 km/h fait débat. Quel est votre point de vue ?
M. G. – L’Observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR) a récemment publié un rapport sur l’accidentalité des routes à double sens hors agglomération, dans le cadre de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h. Ce rapport vient compléter deux études antérieures réalisées sur des échantillons de départements par le CEREMA (Centre d’expertise technique sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), la première entre 2012 et 2014, la seconde entre 2015 et 2017.
Ces deux études ont servi de socle scientifique à la conviction des experts accidentologues du Conseil national de la sécurité routière concernant l’abaissement de la vitesse limite autorisée sur l’ensemble des routes dites secondaires de 90 à 80 km/h sans différentiation. Cette mesure forte, qui vise à épargner des centaines de vie sur la route, a été adoptée par le Premier ministre lors du Comité interministériel de la sécurité routière, le 9 janvier 2018, pour son application au 1er juillet 2018 sur les routes bidirectionnelles, sans séparateur central.
Quelle est l’accidentologie sur les routes bidirectionnelles ?
M. G. – Alors que l’on croit que ces routes sont les plus sûres (confort pour les usagers, liaisons de points stratégiques), en réalité, ce sont celles qui enregistrent le plus d’accidents mortels. Sur la période 2012-2016, 9 579 personnes, soit en moyenne 1916 personnes par an, ont perdu la vie en France métropolitaine dans un accident survenu sur une route bidirectionnelle hors agglomération, ce qui représente 56 % de la mortalité totale sur ces 5 années. Dans le département, sur la même période, 67 personnes ont été tuées sur des routes bidirectionnelles hors agglomération, soit 48 % du total des tués dans le département.
D’après le bilan national 2016, 77 % des automobilistes tués, 61 % des motocyclistes tués, 52 % des cyclistes tués et 50 % des cyclomotoristes tués le sont sur des routes hors agglomération.
L’enjeu de la vitesse est souvent mal connu…
M. G. – La vitesse, mal maîtrisée, inadaptée ou excessive, est la première cause de mortalité sur les routes : elle concerne 45 % des accidents mortels de motocyclistes et 22 % des accidents mortels d’automobilistes. Baisser les vitesses maximales autorisées fait bien baisser les vitesses moyennes, non seulement celles des voitures mais également celles des poids-lourds dont la vitesse est pourtant limitée à 80 km/h. Surtout elle réduit l’effet peloton (files de voitures se suivant de trop près) et engendre une meilleure fluidité, pour une différence de temps de trajet minime.
De façon incontestable, l’abaissement de la vitesse permet de diminuer les distances de freinage, faciliter l’évitement et, en cas de collision, réduire la violence et donc les conséquences des accidents. Une variation de la vitesse de 1 % induit une variation du nombre d’accidents corporels de 2 % et une variation du nombre d’accidents mortels de 4 %.
On se rappelle qu’entre 2002 et 2005, avec l’annonce de l’implantation des premiers radars, la vitesse moyenne sur les routes à double sens sans séparateur baissait de 7km/h. Dans le même temps, la mortalité diminuait de 37 %, soit 1 800 décès en moins sur 3 ans. La baisse des vitesses maximales autorisées sur les routes où la mortalité routière est la plus forte en passant de 90 à 80 km/h s’impose donc pour orienter durablement la courbe de la mortalité routière à la baisse.
L’opération pilote #EntrepriseEngagées64, lancée dans le département, mobilise déjà plusieurs entreprises autour de la prévention du risque routier. Quel bilan tirez-vous de cette première étape ? Comment voyez-vous la suite de cette démarche ?
M. G. – Les 30 juin 2017 et 13 mars 2018, 22 entreprises locales (*) se sont engagées en faveur de la sécurité de leurs salariés sur la route en signant une convention avec le préfet. Les collectivités locales ont également été invitées à rejoindre cette démarche. Le 6 juin prochain, de nouvelles entreprises locales signeront la convention en préfecture.
Cet engagement se concrétise en 7 mesures opérationnelles :
1 – Limiter au cas d’urgence les conversations téléphoniques au volant,
2 – Prescrire la sobriété sur la route,
3 – Exiger le port de la ceinture de sécurité,
4 – Ne pas accepter le dépassement des vitesses maximales autorisées,
5 – Intégrer des moments de repos dans le calcul des temps de trajet,
6 – Favoriser la formation à la sécurité routière,
7 – Encourager les conducteurs de deux-roues à mieux s’équiper.
Au niveau national, ce sont désormais 913 entreprises qui adhèrent à cet engagement vertueux, représentant 2,7 millions de collaborateurs.
Un message pour les chefs d’entreprise ?
M. G. – A l’occasion de la deuxième édition des Journées de la sécurité routière au travail qui a débuté lundi, je souhaiterais rappeler que la responsabilité pénale des employeurs peut être engagée en cas d’infractions routières par les salariés en application de la loi 18 novembre 2016. Il est en effet constaté une hausse des comportements à risques lors des déplacements professionnels et sur les trajets domicile-travail ; sont notamment en cause la vitesse et l’usage du téléphone. La prévention du risque routier en entreprise reste encore malgré tout peu répandue mais la dynamique est lancée. Je rappelle également que le site internet « entreprises engagées » que vous animez est une plate-forme interactive sur laquelle les employeurs peuvent trouver des pistes d’actions concrètes à proposer à leurs salariés. Ce projet doit être assidûment poursuivi.
(*) – Groupe Daniel SAS, 2DTV, Idelis, APR, Euralis, Lindt, Vinci, Total, Adapei, Maif prévention, CCI Pau Béarn, CCI Bayonne Pays basque, Medef Béarn et Soule, Enedis, Transports Abadie J.C, MAP, Securitas, Aquitaine Electronique, Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, Perguilhem, Thermes de Salies-de-Béarn, l’association Delphie et la Chambre de Métiers et de l’Artisanat.